Phyto 2000 Association des usagers de la phytothérapie

Association des Usagers de la Phytothérapie Clinique

 

UN PEU D'HISTOIRE


LA PHYTOTHERAPIE FACE A L'EVOLUTION MEDICALE

par Elisabeth Carillon Docteur en Pharmacie

La Phytothérapie, du mot grec "Phuton" plante et "Therapeia" traitement, signifie traitement par les plantes. Elle inclut l'Aromathérapie, qui utilise des plantes produisant des essences végétales, et la Gemmothérapie qui utilise les bourgeons ou jeunes pousses des tissus végétaux.

Plus de 800.000 espèces végétales poussent sur la surface du globe dont 250.000 sont connues. Parmi ces dernières, l'O.M.S a répertorié plus de 22.000 plantes médicinales utilisées par les médecines traditionnelles, mais seulement quelques centaines sont employées couramment aujourd'hui. Environ 1.200 plantes sont inscrites à la pharmacopée française. Elles ont toutes une activité pharmacologique reconnue et constituent un réservoir de matières premières à la source de presque la moitié des spécialités pharmaceutiques classiques.

Par exemple, dans le domaine des cardiotoniques la Digitaline demeure irremplaçable. L'écorce de Saule qui contient la salicyline est l'ancêtre de notre aspirine (= acide acétyl salicylique ). Les alcaloïdes de la Pervenche entrent dans la composition de plusieurs médicaments anticancéreux et on pourrait ainsi multiplier les exemples. Depuis les tisanes des peuples primitifs ou, plus proche de nous, celles de nos "grand-mères", le savoir sur la phytothérapie a beaucoup évolué tant en ce qui concerne les connaissances sur la structure et la pharmacologie des plantes que de certains de leurs effets.


EMPIRISME ET TRADITION

Dès son origine, I'homme a cherché à calmer ses maux et à réduire ses souffrances. Pour cela, il a utilisé les produits immédiatement à sa portée. Le règne végétal lui fournissant en grande partie son alimentation fut son premier champ d'expériences. Peu à peu, il a appris à discerner les propriétés des plantes, leurs vertus, leur toxicité. Toutes les civilisations antiques: mésopotamienne, égyptienne, chinoise, indienne, précolombienne avaient une panoplie de remèdes végétaux impressionnante. Ainsi, se constitua au fil du temps une pharmacopée relativement développée.

Pendant des millénaires, l'usage pratique fut la seule voie de progrès thérapeutique, et toutes les connaissances acquises au cours des siècles, sans réelle approche théorique ni compréhension du mode d'action des plantes, constituent les données empiriques de la tradition..

L'usage quotidien des plantes a permis d'observer un grand nombre de leurs effets que la science actuelle reconnait comme bien réels. Par exemple, les propriétés calmantes de l'opium issu du Pavot, étaient connues 4OOO ans avant qu'on apprenne à en extraire la morphine qui reste l'un des antalgiques majeurs en cancérologie. Toutes ces connaissances longtemps restées empiriques, et que le progrès des sciences modernes a rendu plus rigoureuses, témoignent de la pérennité de la phytothérapie.

Ainsi, la médecine par les plantes est riche d'enseignements grâce à la mine inépuisable des observations accumulées siècle après siècle. D'ailleurs, les grandes sociétés pharmaceutiques ne s'y sont pas trompées. Dans leur quête de la molécule nouvelle, leurs recherches s'orientent vers les substances végétales ou d'autres produits utilisés par les médecines traditionnelles.


PROMOTION DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ET ABANDON DE LA PHYTOTHÉRAPIE

Les percées des connaissances chimiques, physiques et physiologiques ont permis l'explosion scientifique du 19 ème siècle. La mise en évidence des principes actifs des végétaux et leur extraction fut alors possible permettant de confirmer l'activité des plantes, et la justesse de nombre d'observations empiriques des anciens. C'est ainsi que de la belladone on a extrait l'atropine, du colchique la colchicine, du thé la théophylline, du quinquina la quinine, de la digitale la digitaline. La liste de telles substances est bien longue et ouverte...

Rapidement, on a démontré que chaque plante renferme de très nombreux constituants. Pour un certain nombre d'entre elles, on a aussi mieux cerné les propriétés de leurs principes actifs majoritaires, et également mis en évidence la puissance de leur activité. Ces principes, tels les alcaloïdes ou les hétérosides, engendrent souvent des effets violents, parfois difficiles à maitriser. Les progrès de la recherche chimique se sont alors attachés à renforcer leur activité dominante tout en s'efforçant de réduire ou de supprimer leurs actions secondaires.

Dans la course à l'efficacité immédiate, souvent spectaculaire, on pense ainsi gagner en puissance et en précision. Recherchant une action exclusive et massive sur une fonction donnée on s'efforce de trouver la molécule spécifique. Une telle approche a été à l'origine de grands succès thérapeutiques. Mais bientôt de nombreux problèmes surgirent et amenèrent la médecine dans la crise importante qu'elle connait, dans sa confrontation aux problèmes de résistance aux traitements, à la pathologie iatrogène, aux rechutes ou aux maladies chroniques ou dégénératives.

L'approche analytique qui a guidé toutes les recherches a amené obligatoirement à négliger peu à peu la vue d'ensemble des problèmes. De même qu'on a isolé le principe actif majoritaire des multiples constituants de la plante, on a isolé les multiples organes et fonctions de l'organisme sans véritablement les relier entre eux. Ce faisant, on perd la vision d'ensemble, et on aboutit au "morcellement du malade". Par exemple, un problème dermatologique sera traité à l'aide de pommades à la cortisone, ou à base d'antibiotiques, sans prendre en considération les diverses fonctions de l'organisme, l'état du foie par exemple, alors qu'un drainage hépatique pourrait suffire à améliorer la peau.

Ainsi l'action globale des végétaux, liée justement à leur composition complexe, fut laissée rapidement de côté au profit de l'action ponctuelle et massive du médicament chimique aux effets apparemment plus faciles à contrôler. Et la fabrication en laboratoire d'une molécule standardisée bien définie, fut-elle préférée à l'extraction du principe actif de la plante ayant une action.similaire.

Les effets de tels remèdes chimiques, à activité ponctuelle souvent spectaculaire, paraissant capables d'assurer à tous coups une guérison rapide, expliquent que la recherche médicale se dirigea dans cette voie des thérapeutiques de synthèse. Ce d'autant plus que les impératifs économiques (productivité) s'accordaient bien à une telle vision des choses. L'industrie pharmaceutique et le monde médical tout entier s'engagèrent alors dans cette direction qui déboucha sur la généralisation des traitements symptomatiques. Le but principal de la médecine consista alors à faire disparaître les signes apparents de la maladie sans en rechercher la cause véritable.

Le déclin du remède phytothérapique au bénéfice du médicament de synthèse apparaissait inéluctable, fondamentalement lié à la difficulté de la maîtrise des multiples effets de la plante médicinale. Son action beaucoup moins massive et moins reproductible aux doses auxquelles il est prescrit prêchait en faveur du seul remède chimique. Sa toxicité qui apparait très vite avec l'augmentation des doses, rendait son maniement délicat et moins fiable qu'un remède standardisé.


RENOUVEAU DE LA PHYTOTHÉRAPIE

Depuis le début du siècle les nouvelles techniques ont permis d'extraire de nombreux principes actifs, et de mettre en évidence les propriétés pharmacologiques des plantes. Mais ces recherches n'ont pas débouché sur la réintroduction de l'usage des plantes en médecine. C'est seulement grâce à la ferveur et au travail considérable de quelques médecins et pharmaciens de ville qu'une véritable reconsidération de la phytothérapie a été possible.

Un hommage particulier est à rendre au Docteur Jean VALNET (1920-1995) qui, dans le cadre d'une médecine de " l'homme total " fondée sur des thérapeutiques naturelles et dépourvu d'effets secondaires nocifs, a remis la phytothérapie dans l'arsenal de la pharmacopée scientifique moderne. Il est auteur de nombreuses publications et dès 1971, il a fondé l'Association d'Etudes et de Recherche en Aromathérapie et Phytothérapie devenue en 1973 la Société Française de Phytothérapie et Aromathérapie.

La recherche réellement clinique a pu être menée, depuis plus de vingt ans, grâce aux nombreux travaux réalisés au sein de la SFPA. Elle trouve son aboutissement dans une nouvelle approche de la plante médicinale, approche qui s'efforce de redéfinir son utilisation médicale dans une vision synthétique partant des données de la Tradition confrontées aux connaissances pharmacologiques modernes.

L'évolution récente de la phytothérapie clinique permet ainsi d'envisager trois niveaux d'approche dans l'utilisation des plantes médicinales: un niveau empirique, un niveau pharmacognosique et un niveau clinique.
Nous apprendrons à les découvrir au cours des prochains numéros des "BONNES FEUILLES".

Cette évolution scientifique est à même d'apporter une réponse cohérente à l'intérêt actuel du public pour la nature en lui apportant des solutions sérieuses et non illusoires ou charlatanesques. Si le malade a pris conscience qu'il n'était pas un simple organe isolé mais un tout, encore faut-il que ce qui lui est proposé réponde à des certitudes qui relèvent de la science et non de la seule croyance dans "le merveilleux et magique pouvoir des plantes". S'il recherche une médecine globale, une médecine de la personne, une médecine de l'homme total, encore faut-il que la réponse qui lui est apporté s'inscrive dans une cohérence qui soit en accord avec les données de la science moderne.


CONCLUSION

La crise de la médecine actuelle et nombre des échecs thérapeutiques reposent sur une vision éclatée de l'homme. En effet, la médecine classique procède fondamentalement selon un mode de pensée disséquante. Elle considère la maladie comme extérieure à l'homme et isole le symptôme par rapport à l'individu.
Une vision plus globale, intégrant aussi l'approche analytique de la maladie est envisagée dans le cadre de la théorie endocrinienne du terrain, telle que la proposent les docteurs C. DURAFFOURD et J.C. LAPRAZ. Revalorisant l'étude clinique attentive des symptômes présentés par le malade, elle permet une vision globale de l'individu et réintègre la relation maladie-hôte.

Cette approche se situe à l'intérieur du mode de pensée scientifique classique, mais l'élargit dans une vision plus synthétique. Le véritable enjeu se situe donc à l'intérieur de la médecine et non pas à l'extérieur d'elle. Il ne s'agit pas là d'une prise de position partisane mais bien d'efforts pour informer le plus grand nombre des possibilités thérapeutiques de la phytothérapie utilisée dans le cadre d'une médecine de terrain, et tenter de réintroduire son utilisation dans le cadre d'une analyse physiologique rigoureuse et complète.