PHYTO COURRIER

"J'appréhende le moment de me coucher, car je sais que je me réveillerai environ trois heures plus tard et ne pourrai me rendormir assez vite pour avoir un sommeil satisfaisant."
"Impossible de m'endormir rapidement quand je me couche, et pourtant je suis fatigué..."
"Je me réveille plusieurs fois par nuit, sans cause apparente, et je me lève le matin plus épuisée qu'au coucher."

S'ils expriment différemment leur souffrance, elle est, au bout du compte, la même pour ces lecteurs insomniaques dont le sommeil réparateur est ainsi perturbé. Tous, à la recherche du traitement phytothérapique salvateur, posent la même question : "Que faire pour m'en sortir ?"

Réponse du docteur Thierry TELPHON, membre de la Société Française de Phytothérapie et d'Aromathérapie :

L'insomnie - littéralement absence de sommeil - recouvre plus largement tous les troubles du sommeil : impossibilité de s'endormir ou endormissement très long, réveils multiples avec plus ou moins grande difficulté de rendormissement ou réveil plus ou moins précoce avec impossibilité de se rendormir. Fort heureusement, la nuit blanche est rare et sa répétitivité plus rare encore.

Le nombre des insomniaques, la diversité et la multiplicité des causes de ce trouble en font un vrai problème de santé publique qui grève considérablement le budget de la Sécurité sociale par la consommation vertigineuse de somnifères, tranquillisants ou anxiolytiques de synthèse qu'il induit.

Ce symptôme très fréquemment décrit par nos patients doit être, plus que tout autre, finement analysé et replacé dans son contexte organique et environnemental. Si l'insomnie occasionnelle (en rapport avec un voyage, un dîner trop copieux, une forte émotion, etc.) peut répondre favorablement à un traitement phytothérapique simple, compatible avec une automédication dirigée, par contre, dans les cas chroniques et rebelles une approche beaucoup plus élaborée s'impose car la mécanique du sommeil est si complexe et tant d'éléments sont impliqués que sa régulation est fortement soumise à l'équilibre général de l'organisme.

La plainte d'insomnie est d'ailleurs souvent le premier signe d'appel à l'analyse de l'équilibre du terrain. Impossible de lui appliquer d'emblée une "recette thérapeutique" toute faite sans courir à l'échec.

C'est un symptôme tout en relativité, parce que son expression ne dépend pas du nombre d'heures de sommeil effectif, mais du besoin qu'en manifeste chacun (besoin très variable d'un individu à l'autre), et ne reflète pas toujours la réalité du besoin organique.

Mis à part quelques malades présentant génétiquement une perturbation particulière de leur terrain génératrice de troubles du sommeil, il n'y a pas idéalement de couche-tôt ou de couche-tard, mais des gens mal équilibrés qui ont décalé leur rythme nycthéméral . La physiologie du sommeil est, en effet, en relation directe avec l'équilibre général du terrain neuro-endocrinien. On connaît beaucoup mieux, maintenant, le rôle des hormones et du système nerveux végétatif dans l'induction du sommeil, sa durée, la qualité du réveil. A titre d'exemple, des travaux ont démontré que des enfants vivant dans un environnement bruyant présentaient des troubles de la croissance et du sommeil ; cela a été rattaché à des anomalies de la sécrétion nocturne de l'hormone de croissance.

Il apparaît que, selon le niveau relatif d'équilibre des diverses composantes du système neurovégétatif et hormonal, le médecin pourra être confronté à des patients présentant soit une mauvaise induction du sommeil, soit des réveils intempestifs en cours de nuit à des heures très précises, soit un réveil trop précoce le matin ; tous troubles directement liés à des décalages chronologiques des sécrétions hormonales, à des manques ou à des excès d'activité de certains axes fonctionnels (cela implique, bien évidemment, le bon équilibre physiologique des organes).<

Pour nous, le traitement de chaque insomniaque relève d'une médication spécifique et non pas d'un tranquillisant ou somnifère passe-partout qui ne fera qu'entretenir - s'il n'en provoque pas - les troubles du sommeil, en coupant en permanence les voies réflexes d'information qui permettent à l'organisme de recouvrer son équilibre.

Ainsi, pour un sujet anxieux présentant un niveau trop élevé de son système sympathique, on aura recours à un sympatholytique sédatif nerveux central comme la passiflore ou le houblon, en tenant bien compte pour ce dernier de ses autres actions (oestrogénique, antiandrogène et stimulante de la prolactine) qui le feront réserver à des patients au déséquilibre particulier.

De même, l'aubépine pourra trouver une bonne indication chez ce type de sujets hypersympathiques, en n'oubliant pas qu'elle peut entraîner une chute du tonus vasomoteur qui la fera contre-indiquer pour une partie d'entre eux.

L'action remarquable de la lavande sur certains insomniaques est également bien connue, parce qu'elle déprime l'hyperfonction de leur système sympathique. Mais des hypersympathiques, buveurs de verveine - qui a la réputation de "bien" faire dormir - pourront se trouver confrontés à de redoutables nuits blanches car, renforçant le tonus de leur système parasympathique, cette plante va provoquer chez eux une réaction paradoxale du fait de la réactivité de leur organisme (Drs C. DURAFFOURD et J.-C. LAPRAZ).

Quant à l'insomniaque qui présente une insuffisance parasympathique, on pourra être amené à lui prescrire des plantes comme l'origan, les marjolaines qui ont le double intérêt d'être parasympathomimétiques et sympatholytiques, le romarin qui a l'avantage de vider la vésicule biliaire et d'accélérer la digestion, souvent source de réveil nocturne.